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Textes du bulletin du Syndicat d'Initiative des Petites-Dalles 2007



Extraits de la conférence de Mme Monique Pécot

du 1er août 2006 à Sassetot le Mauconduit



Pour élargir son répertoire pour clavecin, à l'occasion d'une série de concerts à la Conciergerie, Sylvia Pécot-Douatte (1) s'est lancée dans des recherches à la Bibliothèque Nationale. Curieusement, elle y découvrit les oeuvres pour clavecin d'un compositeur oublié du XVIIIe siècle, qui avait séjourné à la conciergerie avant d'être guillotiné pendant la Grande Terreur, Jean-Frédéric Edemann, né à Strasbourg en 1749, obtient son diplôme de droit à 'Université protestante la même année que Goethe. Il s'installe à Paris à 25 ans. Il compose quatre opéras, un oratorio, des sinfonias, des concertos pour cordes et piano forte, nouvel instrument dont il est un des principaux propagateurs. Sa célébrité dépasse les frontières et certaines de ses compositions pour clavecin seront interprétées par Mozart. Il compose une musique brillante et sentimentale. Certaines oeuvres sont dans la tradition de Couperin et Rameau, alors que d'autres présentent des audaces harmoniques aux accents beethoveniens.

A la Révolution, il retourne à Strasbourg où il devient, avec son frère, membre de la Société des Amis de la Constitution. A la demande de son ami d'Université, de Dietrich, devenu maire de Strasbourg, il compose un hymne pour la Fête de la Fédération de 1790.

La présence de troupes étrangères comptant dans leurs rangs des émigrés entraîne la déclaration de la guerre de la France à l'Autriche, le 20 avril 1792. La nouvelle ne parvient à Strasbourg que le 25 avril. Selon des sources apocryphes, le jour même, de Dietrich, le maire de Strasbourg, ami de Edelmann, aurait demandé à l'un des officiers invités chez lui à dîner, le lieutenant Rouget de Lisle, de composer un chant patriotique. Les répétitions auraient eu lieu dès le lendemain. Le tableau d'Isidore Pils "Rouget de Lisle chantant la Marseillaise chez de Dietrich", qui date de 1849, lui aurait été inspiré par un texte de Lamartine "L'histoire des Girondins" dont la vérité historique a été très contestée ; le chant, à sa création, dédié au Maréchal Lukner, commandant l'armée du Rhin, s'appelait "Chant de guerre pour l'armée du Rhin" et c'est Dietrich qui l'aurait chanté d'après ses descendants qui ont protesté pour l'inexactitude auprès de Lamartine.

La paternité de la Marseillaise est encore de nos jours très controversée. Le dictionnaire Larousse, à Rouget de Lisle, précise : "Il écrivit en 1792 les paroles et (peut-être) la musique du chant de guerre devenu La Marseillaise".

Les paroles au vocabulaire outrancier dû à l'imminence de l'invasion étrangère ont été à l'évidence inspirées à "Rouget de Lisle" par une affiche de la Société des Amis de la Constitution placardée sur les murs de Strasbourg où on lisait: "Aux armes, citoyens / L'étendard de la guerre est déployé... Il faut combattre, vaincre ou mourir..." et par une citation de Boileau : "Et leurs corps pourris dans nos plaines n'ont fait qu'engraisser nos sillons".

Qu'en est-il de la composition de la musique ?

Sur la partition originale éditée par la Municipalité, quelques jours plus tard, fin avril 1792, aucun nom d'auteur n'est indiqué !

Quelques noms de candidats possibles ont été avancés. On a pensé à Ignace Pleyel, ami de Rouget de Lisle, mais il était à Londres à ce moment-là. En 1836, Arthur Loth l'attribue à JR. Grisons, chef de maîtrise à la cathédrale de Saint-Orner. Dans son Oratorio Esther, qu'il aurait composé en 1787, une mélodie est très proche de celle de La Marseillaise, mais bien que vivant pendant la Révolution, il n'a rien revendiqué !

Sylvie Pécot-Douatte a été très intriguée par une lettre du grand compositeur d'opéra Grétry à Rouget de Lisle dans laquelle il le remercie pour son envoi d'une copie de la Marseillaise. On y lit : "Votre hymne est chanté dans tous les spectacles mais, à propos, vous ne m'avez pas dit le nom du musicien. Est-ce Edelmann ?". La paternité d'Edelmann, pour la musique de la Marseillaise, a paru d'autant plus plausible à Sylvie Pécot-Douatte qu'il existe un mystère concernant son oratorio Esther composé en 1782, chanté cette année-là dans la nouvelle salle de l'opéra et dont la mélodie était, selon des spectateurs, très proche de celle de la Marseillaise. Malheureusement et curieusement, l'Oratorio Esther est la seule oeuvre d'Edelmann dont Sylvie Pécot-Douatte n'a pu retrouver le manuscrit !

Sylvie Pécot-Douatte a donc réussi, par un travail de recherche très approfondi et aussi en tant qu'auteur (2) et concertiste (3), à réhabiliter la mémoire d'Edelmann, musicien méconnu, et à faire connaître et apprécier sa musique novatrice. Ses recherches permettent de penser que Jean-Frédéric Edelmann pourrait être, en réalité, le compositeur de la musique de la Marseillaise.

(1) Sylvie Pécot-Douatte, licenciée en musicologie de la Sorbonne, prix de clavecin du Conservatoire National Supérieur de Paris, a participé à la création de plusieurs ensembles orchestraux. Elle était professeur de clavecin au Conservatoire de Compiègne. Elle est décédée en janvier 2004.

(2) Sylvie Pécot-Douatte : "A la recherche d'Edelmann, le musicien guillotiné", Éd. L'Harmattan, collection Univers musical, 2001.

(3) Discographie de Sylvie Pécot-Douatte sur ce compositeur :
7 sonates pour clavecin (CD Calliope CAL 9237 -1998)
Sonates 5 et 7 pour pianoforte (CD Calliope CAL 9236-1999)
Sonates 6, 8 et 10 pour piano (CD Calliope CAL 9296-2000).